Korg MS-10
Ce petit synthé monodique a été le premier à être utilisé dans le groupe, pour faire les bruitages et solos. C'est un peu le minimoog du pauvre : il n'a qu'un générateur VCO mais il est bon ! On l'a utilisé sur tous nos enregistrements discographiques, et en concert jusque 2018.
On ne s'en sert donc plus aujourd'hui, pour autant on ne l'a pas abandonné totalement : Sa carte électronique a été modifiée pour descendre les notes de 2 octaves, et installée dans un pédalier "fait maison" . Après le Minimoog du pauvre, c'est le Moog Taurus (du pauvre également), et ça marche !
Korg Delta
Premier clavier polyphonique du groupe, acheté en 1981 en tant que "clavier violon", comme on disait à l'époque, mais il s'est révélé être bien plus polyvalent que ça ! Il disposait en effet d'une section "strings", mais également d'une partie synthé paraphonique (polyphonie totale des notes jouées, mais 1 seul filtre et 1 seul générateur d'enveloppe communs, non polyphoniques) qui fonctionnait très bien et donnait pas mal de possibilités sonores.
Il a rendu de grands services aux débuts du groupe, mais il avait un inconvénient (tout comme le MS-10) : pas de mémorisation possible des réglages. C'était le cas à l'époque pour tous les claviers d'un prix accessible à nos possibilités, mais c'était contraignant en concert. Heureusement, la technologie progressait très vite et dès 1982, une nouvelle génération de synthés polyphoniques à mémoires à prix raisonnable est apparue sur le marché. J'ai donc remplacé mon Delta dès 1983 par un Juno 60 Roland, une des références de cette nouvelle série de claviers.. Pour autant, le Delta a encore servi quelques années car Philou, qui venait de rejoindre le groupe en tant que flûtiste, pouvait aussi jouer du clavier. Il a donc "hérité" du Delta avant de se constituer son propre set de claviers.
Philou au Korg Delta, concert à Maron 28 sept 1985
Plus tard, on a prété le Delta à quelqu'un, mais plus moyen de se souvenir à qui... Dommage, plus de traces aujourd'hui de ce synthé que j'aimais bien.
Würlitzer 200-A
Il nous est très vite apparu nécessaire d’avoir un clavier sensible à la frappe en complément des 2 autres : les touches des Korg MS-10 et Delta ne sont que des interrupteurs, il n’y a aucune différence de son suivant que l’on joue en appuyant doucement ou fortement sur le clavier. Cela limite évidemment l’expression et le jeu, surtout sur les sons de type piano.
En 1982, les synthés disposant d’un clavier sensible à la frappe étaient non seulement très chers, mais aussi très rares et bien entendu les pianos numériques n’existaient pas encore. Sur scène, la pratique la plus répandue était l’utilisation des pianos électromécaniques, comme le Fender Rhodes, le Würlitzer, ou les Yamaha CP70 et CP80 pour le haut de gamme.
Le moins cher et le moins lourd à transporter étant le Würlitzer, on en a cherché un d’occasion et trouvé à l’automne 1982 un modèle 200-A en bon état à un prix abordable. Cela a tout de suite apporté de nouvelles couleurs sonores à nos compos, je pense par exemple au morceau « Image » (qui ne figure sur aucun disque) où le Würlitzer tient une grande place.
Malheureusement, le piano Würlitzer n’aime pas du tout l’humidité et à l’époque nous répétions dans une cave forcément un peu humide. En effet, contrairement au Fender qui transforme les vibrations des lames d’acier en signal électrique au moyen d’un capteur magnétique (comme sur une guitare électrique), le Würlitzer utilise un capteur électrostatique. Une pièce métallique formant une sorte de peigne géant entoure de près (moins d’1 mm de jeu) toutes les lames d’acier sur lesquelles les marteaux du clavier viennent frapper. Les lames d’acier sont raccordées électriquement à la masse, la pièce en forme de peigne est polarisée à +150 V. L’ensemble forme un condensateur dont la valeur varie suivant les vibrations des lames, c’est cette variation qui est détectée et amplifiée pour fabriquer le signal audio. Cela fonctionne très bien dans une atmosphère sèche, mais lorsque l’humidité s’imprègne dans les sourdines en feutre qui étouffent les lames quand elles ne sont pas jouées, ça crée des micro-courants de fuite entre le peigne et les lames et ces courants génèrent des sons parasites aléatoires mais très audibles dans la sortie audio (des chuintements, des grincements, du souffle…).
Bref, ce problème est vite devenu un vrai obstacle à l’utilisation du Würlitzer, il aurait fallu ne pas le laisser au local de répète, l’apporter et le remporter à la maison à chaque fois. Sur scène, j’étais parfois obligé de donner des coups de genou dedans tout en jouant pour faire cesser (momentanément) ces bruits parasites lorsqu’ils se produisaient, ça devenait compliqué…
Fin 1983, l’achat de mon DX7 Yamaha, synthé doté d’un clavier sensible à la frappe et capable de s’approcher du son du Würlitzer, a sonné le glas de ce dernier dans Raison de Plus. Je l’ai revendu à un groupe de bal, en expliquant bien qu’il fallait l’entreposer au sec.
Yamaha DX7
Lorsque le DX7 est sorti sur le marché, ça a fait l’effet d’une bombe atomique !
Il faut bien être conscient qu'à l’époque, les meilleurs synthétiseurs à mémoires offraient une polyphonie de 8 notes, un toucher sans vélocité, aucune interface évoluée universelle compatible avec d’autres marques, et tout ça pour un prix de plusieurs dizaines de milliers de Francs.
En 1983, Yamaha lance sa série DX dont le modèle destiné à être le plus vendu est le DX7. Incroyablement en avance sur ses concurrents, le DX7 dispose d’une polyphonie de 32 notes, d'un clavier au toucher léger mais remarquable, sensible à la vélocité et à l’aftertouch, d'une vraie interface digitale (les premiers pas du MIDI), et de la synthèse FM, un principe totalement inédit. Cerise sur le gâteau, cet instrument est mis sur le marché au prix d’environ 13.000 F, un prix à peine plus élevé que les instruments ayant une polyphonie limitée à 6 notes et un clavier dépourvu de vélocité !
A la fin de d’été 1983, une invitation envoyée par notre magasin de musique préféré à l’époque (Phiné as sound à Nancy) nous a permis d’assister à une démo DX7 faite par David Bristow, et on a littéralement été scotché ! David nous a joué des sons que les autres synthés n'arrivaient qu'à évoquer plus ou moins bien, comme le piano Fender-Rhodes par exemple. Je me souviens qu’il a commencé sa démo par l’intro de « Ainsi parlait Zarathoustra », avec les cuivres, les percus, etc. Il utilisait 3 synthés reliés entre eux, c’était totalement inédit à l’époque, et il contrôlait le son des cuivres en soufflant dans un capteur !
Bref, quelques jours plus tard je commandais mon DX7 chez Phiné. Je l’ai attendu 9 mois, tellement Yamaha n’arrivait pas à suivre la demande mondiale. Il a remplacé mon piano Würlitzer, mais évidemment je ne l’ai pas seulement utilisé pour faire des sons de piano. Il complétait à merveille mon Roland Juno 60, qui excellait dans les sons gras et chauds, tandis que le DX7 apportait la vélocité, et une capacité à faire des sons percussifs très vifs grâce à une attaque hyper rapide.
Quelques années plus tard, Philippe a craqué à son tour et s’est également procuré un DX7. On a probablement longtemps été le seul groupe à utiliser 2 synthés DX7 sur scène.
L’effet de mode est passé tout de même assez vite sur ce synthé, car beaucoup d’utilisateurs n’ont pas su « rentrer dedans » et fabriquer leurs propres sons. Il est vrai que la synthèse FM est beaucoup moins intuitive que la synthèse par filtrage, quelques notions de physique sont utiles pour comprendre « comment ça marche ». Du coup, presque tout le monde se contentait des sons d’usine et on entendait toujours les mêmes sons. Dommage, ce synthé recelait des possibilités étonnantes pour l’époque. Il fallait juste savoir s’en servir, connaître ses limites pour l’utiliser là où il excellait, et le compléter par un synthé plus classique pour le reste.
Pour la petite histoire, j'ai prété mon DX7 pour le backline du Nancy Jazz Pulsation 2 années de suite (à la fin des années 80 me semble-t-il), je me souviens que la chanteuse-pianiste brésilienne Tania Maria a joué dessus !
Dans Raison de Plus, les 2 DX7 ont été utilisés jusque 2019. C’est uniquement la nécessité de faire « plus léger » sur scène (prendre moins de place et s’installer plus rapidement) que nos sets de claviers ont été réduits à 2 chacun. J’ai toujours mon DX7 à la maison.
Roland JUNO 60
Le Korg Delta me plaisait bien, mais son plus gros inconvénient sur scène était l’absence de mémoires : pour chaque changement de son (et il y en a dans notre musique !), il fallait mettre en 4° vitesse tous les réglages en bonne position, sans rien oublier, et avec les limites de « l’à peu près » de la position plus ou moins précise des potars qu’on tourne à la hâte.
Les constructeurs ont compris ce problème, et avec l’arrivée sur le marché de l’électronique des premiers micro-processeurs, ont rapidement développé des synthés d’entrée de gamme avec mémoires. C’est ainsi que Roland a retravaillé son JUNO 6 pour le doter d’une mémoire numérique à 56 patchs, et que le JUNO 60 est arrivé !
Vendu à un prix abordable (en gros 12000 F à l’époque), il avait un gros son bien chaleureux malgré une architecture basique : 1 seul oscillateur (avec tout de même un sub oscillateur à l’octave en dessous), 1 filtre passe bas résonnant, un filtre passe haut simplifié à 4 positions, un seul générateur d’enveloppe type ADSR, et un gros chorus stéréo (spécialité de la marque). Un essai en magasin et j'ai fait flamber la carte bleue ! Le Juno 60 a remplacé le Delta, que j'ai prété quelques années à Philou qui venait de rejoindre le groupe.
La principale limite du Juno 60 était la polyphonie de 6 notes, ça fait peu surtout avec des sons qui se prolongent lorsque les touches sont relâchées (release important) : tant que la note sonne encore, il n’en reste que 5 autres disponibles…
Malgré ça, j’ai vraiment beaucoup aimé ce synthé aux nappes chaudes et larges, mais aussi aux pêches brillantes, son filtre résonnant marchait vraiment bien. Les sons étaient très faciles à créer, intuitivement et rapidement (rien à voir sur ce point avec le DX7, ou avec les monstres de complexité d'aujourd'hui). Il formait un « couple complémentaire » avec mon DX7, et tout comme lui je l’ai utilisé sur scène jusqu’en 2019.
Je me suis ensuite posé la question de le garder ou non à la maison, mais je l’ai finalement vendu (on ne peut pas tout garder !). Il est remplacé aujourd’hui par un Korg « Kross 2 » sur lequel j’ai réussi à reproduire assez fidèlement les sons que j’utilisais sur le Juno 60, et qui me fait aussi bien d’autres choses (des sons de mellotron, de minimoog…)
A suivre ...